Un orgue pour Le Folgoët
La collection dite des Certificatie boeken conservé eaux archives municipales d'Anvers correspond aux registres francais d'actes notariés qui sont conservés dans les dépôts des Archives départementales de la Gironde ou de La Charente maritime par exemple. Ce fond a été exploré par Jacques Bernard qui y a pris de multiples références qu'il explicite dans Navires et gens demer à Bordeaux, 1400-1550, Paris, 1968 et par Emile Cornaert dans Les Francais et Ie commerce international à Anvers, fin du XV° - XVI° siècle, Paris, 1961.
C'est dans ce second ouvrage que j'avaist rouvé une note faisant mention du transport d'un orgue destiné à la basilique du Folgoët par un bateau de Roscof en 1584.
J'avais obtenu à Anvers une copie de ce texte mais j'avais eu beaucoup de mal à le transcrire correctement en raison de I'obstacle de la langue qui m'enr endait I'interprétation de certaines abréviations impossible. Cependant Ie contenu général nem'avait pas échappé. J'avais en effet, relevé un "de Smet", dans I'ouvrage de Y.-P.Castel,T. Daniel, G.-M. Thomas, la Société archéologique du Finistère, Artistes en BretagneDictionnaire des Artistes, artisans et ingénieurs en Cornouaille et en Léon sous I'ancien régime.
Grace à I'amabilité d'un paléographe de Vaudebarrier, Maître Jean-Yves Sellier, Jjai pu achever I'interprétation du manuscrit dont je propose ci-après la transcription et !a traduction.
Les certificatie boeken se présentent sous la forme de cahiers de papier reliés, cotés, de format 20 cm x 28 cm. L'écriture est une cursive intermédiaire entre celle souvent pratiquée par les notaires à la même époque en France et la Caroline de chancellerie. Elle est plus lisible que celle des notaires de Bordeaux et de La Rochelle.
Transcription du document ex Archives municipales d'Anvers, Certificatie Boek 45 f° 265 v°:
Arnoult de Smet organist, borger van Brusseleendebekendeendeverclaerdealsoo
hijcomparantomnetebeterzijnen,zijnrehuysvrouwe ende familiemontcosten
eeriycken te becommenbesundere in desentegenwoordigenovercommen is met sire
YvonGuyonGuillou, borger wonend tot Rosco in Britanienalsdat hij comparant
ende sijnhuyswrouwegehoudensijn nun te transporteren tot Folgoet in Britanien
voorseyt ende aldaer in onservrouwenkercke te stelleneeeneorgelebij hem
comparant alhiergemaectalvolgende de instrumentedaerafoptenachtentwintichsen
januarii (28 janvier)lestledentusschenhungepasseertsijndevoor den notaris Mr
Gillis van den Bossche ende sekeregetuygenondgelleken. Ende want hij comparant
volgende sijnegeloefte van meyninghe is hem met sijne huysvrouwe te transporteren
in Britanien voorseyt sooeerst dat hij comparant wettelyckgeconstitueert ende
machtich gemaect heeftconstitueerde ende maectemachtichmits desen Jans de Smet,
backere,sijnenneve,woonende tot Brussele omne duerendesijns/
f° 266 r°/ ende sijnrehuysvrouveabsentiehunegoedenzodanig die wesenmoghen te
herrschen ende te ontvangen et quits om te ontvangen te geven Anna segeld tot ward ende
Bernaertspuimackering?syndealimentatie.
Et siapudfuerit.Litsalledaggen. Jug. arrest.
Cum PotestatemSubjiciendi.
Ende voortsAlswaertt'salonzewil"
Nona march 1484.
Traduction du texte:
Arnoult de Smet, organiste, bourgeois de Bruxelles, ainsi connu et déclaré, comparant, afin qu'il soit attribué au mieux une honnête provision de bouche à son épouse et à sa famille, estc onvenu en particulier dans les présentes qu'il a conclu avec Ie sieurYvon Guyonou (ou Guillou), bourgeois, résidant à Roscof en Bretagne. cet accord contient que lui, comparant, avec sa femme, se rendront au Folgoët, en Bretagne, pour y monter là dans I'église Notre Dame, un orgue qui fut construit ici, par lui comparant et tous les instruments y afférents comme stipulé entre eux par un acte notarial établi sur ce sujet Ie 28 janvier dernier par devant Maître Gillis Van den Bossche, notaire en présence de témoins bons et surs. Et parce que lui, comparant qui accepte et prévoit selon sa promesse, de se transporter en Bretagne avec son épouse, dès qu'il aura légalement constitué et donné pouvoir pour cela à Jan de Smet, son neveu, boulanger, résidant à Bruxelles, afin que durant son absence et celle de sa femme, il soit habilité à gérer les biens au mieux, recevoir et donner quittance, fournir à Anne ses gages pour la garde et à Bernard régulièrement ses aliments, Et qu'il soit ainsi tous les jours. Décision arretée avec soumission auxautorités. Et de la sorte tant que sera notre volonté.
Anvers Ie 9 mars 1584.
En 1584 la France comme la Flandre est déchirée par Ie conflit qui oppose Reformés et Catholiques. A Anvers la république protestante bannit les Catholiques.
Bertrand D'Argentré,vient de publier, en 1582, une Histoire de Bretagne.
Depuis 1562 Roland de Neuville est évêque de Léon et, témoignage notable de stabilité en ces temps troublés, Ie restera jusqu'en 1613. II eut donc à connaître de la commande d'instruments de musique pour la basilique du Folgoët.
Le Pape Pie IV, successeur de Paul IV Carafa, achève la rédorme tridentine. Il lance le 13 novembre 1564, la bulle Injunctum nobis qui impose désormais la Professio fidei tridentina qui, entre autres, met en usage un catéchismerénové.
En 1582, Grégoire XIII, père des sciences modernes, vient de réformer le calendrier julien. Le jeudi 4 octobre1582 julien, est devenule jeudi14 octobre grégorien (notre calendrier actuel). L'église, confrontée à la Réforme, fait dès cetteépoque un effort considérable de ce que nous appelons aujourd'hui "Communication".
1577, vit la naissance de DOM Michel le Nobletz, qui annoncera bientôt la Bonne nouvelle d'une manière accessible aux marins finistériens.
Dans ce monde, bouillonnant, les intérêts et les croyances, mêlées s'affrontent. Les troubles favorisent la pratique de privilèges et népotismes que nous jugeons tout à fait abusifs. Dans notre région Catherine de Médicis, fait de son astrologue, Cosme Roggieri, un abbé de Saint-Mathieu.
Le 5 septembre 1582, Henri III a fait du Duc de Mercoeur, son beau frère, un gouverneur en Bretagne. La Bretagne devait I'affectation de ce personnage au népotisme qui prévalait dans I'entourage du roi. Cette année1584, le roi ajoute, au gouvernorat de Mercoeur, une partie des droits traditionnels du duc de Bretagne sur les c6tes de Bretagne qu'il lui fait partager avec I'amiral, de Joyeuse. Celui là non plus n'a rien à voir avec !a Bretagne mais, c'est un ami du roi. En 1588, après le meurtre des Guise, Mercoeur entrera en rébellion sous couvert de Ligue et sera banni. La Bretagne qui jusqu'alors avait été relativement à I'écart des atrocités de "la Ligue" en France, se trouvera entraînée par Mercoeur dans la guerre civile.
La paix qu'elle connaît encore en 1584 et le commerce des toiles de lin,vendue saussi bien à l'Armada espagnole qu'aux Gueux de mer et aux Anglais, va être sérieusement perturbée.
L'année suivante,1585, le traité de Nemours ordonnera I'expulsion des Protestants de Bretagne La mesure ne sera pas appliquée tout de suite avec rigueur, mais elle va commencer à restreindre les degrés de liberté des marchands.
Au moment de I'achat de I'orgue, les fabriques du Folgoët sont encore en mesure d'engager cette commande. C'est à Bruxelles qu'ils s'adressent. On saitc combien les relations maritimes entre les deux pays étaient étroites. On se souvient qu'à trois ou quatre générations de là, Anne de Bretagne avait envisagé d’épouser Maximilien.
Bruxelles est alors sous contrôle de l’Espagne. Les Union d'Arras et Union d'Utrecht avaient formé en 1579 une trêve durable qui consacrait la partition des Pays-bas. Au nord les Provinces-unies, de religion reformée, cohabitaient avec au sud les Pays-bas espagnols et catholiques. Guillaume d'Orange devint alors Stadthouder de Hollande. Son assassinat, peu de temps plus tard à Delft, n'avait pas changé cette situation.
Le commerce continuait.
Nous sommes alors à quatre ans du départ de Pierre Olivier Malherbe, de Vitré qui irav endre ses toiles en Espagne, puis en Amérique et rentrera, en 1609, proposer à Henri IV un moyen de participer au grand commerce en Asie. Sully refusera... II ne savait pas que le commerce ne peut se passer de la mer. Il faut toutefois se souvenitque panser de fraîches blessures, occupait son esprit.
Sous I'impulsion de Richard Hakluyt, et de quelque smarins de génie, les Anglais font prendre conscience à Elisabeth de I'importance de la mer et de I'outremer.
1581 voit la publication de la version anglaise de L'Art de naviguer, de P. de Medine, dont I'édition française à Lyon date déjà de 1548.
La réglementation maritime prend forme. Le premier règlement du pilotage de Dunkerque, alors situé en Flandre espagnole, est signé de Philippe II. Humphrey Gilbert explore Terre-neuve. Cavendish réalise, après F. Drake, un troisième voyage autour du monde.
1602 verra la constitution à Amsterdam de la Compagnie des Indes orientales unifiée, la fameuse V. O. C. qui va, en moins de trois décennies, se faire une place durable en Insulinde au détriment des Portugais.
Dans le pays léonard I'art profane et religieux fait appel à la bourse des marchands de lin. Ces marcchands sont riches , ils vendent leurs toiles aussi bien à l’Armada de Philippe II , qu'aux peuples du nord, les Gueux de mer et corsaires anglais. Ce n'est pas encore au temps où Louis XIV prohibera le commerce avec I'Angleterre, ce qui eut pour conséquence, le développement de la culture et du travail du lin en Irlande.
L'ouvrage de Y.-P.Castel,T. Daniel, G.-M. Thomas cite un certain nombre d'artistes parmi lesquels, A. de Smet. Selon H. Bourde de la Rogerie, celui-ci aurait également travaillé à Saint-Jean- du-Doigt. II semble avoir également opéré à Quimper.
De smet fait partie d’une famille de Lierre, cité proche de Bruxelles. Nous avons tout d’abord Jan Van Lierre, un facteur d'orgues qui forma les Brebos, puis Claes et Aert (alias Arnoult) De Smet. Claes se fixa en 1538 à Bruxelles vécut de la construction d'orgues d'horloges. Il livra divers instruments jusqu’en 1573. Son fils Arnoult poursuivit l'atelier de Bruxelles, où il est dit avoir construit en 1575 un orgue pour l'église du Grand Béguinage. Cf. M Haine N. Meeus Instruments de musique anciens à Bruxelles et en Wallonie, 1986.
Son absence d'Anvers pourrait avoir été plus longue qu'il ne I'avait prévu. Peut-être, au delà des précautions habituelles à un voyage par mer en période troublée par la piraterie qui résultait des troubles civils, l'avait-il envisagé ?
Plusieurs facteurs d'orgue anglais: Paugam, Dallam, et Alport plus tard, s'installèrent en Bretagne après avoir pris terre à Morlaix tout proche. Le tailleur de pierres nommé Flandres, aurait-il une origine flamande ? Faut-il s'étonner qu'en ces temps troublés où, tant en Angleterre, excommuniée, qu'en Flandres où le Duc d'Albe, poursuivait les hérétiques, ceux qui se sentaient froissés dans leurs convictions et menacés dans leur vie, aient préfèré chercher ailleurs un lieu moins agité pour exercer leur art?
La Bretagne n'avait pas absolument besoin de ces concours. El!e avait tailleurs de pierre, organistes et facteurs d'orgue. Mais sa relative tranquillité attirait, en 1584, les réfugiés.
D.-L. Miorcec de Kerdannet fait mention de la construction d'un orgue au Folgoët en 1571. L'instrument aurait été alors tenu par D.Abaziou. II est donc probable que les instruments dont il est question ici soient venus compléter, treize ans plus tard, une installation antérieure. Peut-être trouvera-t-on un jour un document plus explicite qui nous permette de mieuxs aisir le détail de I'histoire de cet orgue.
Peut être trouvera-t-on aussi des détails sur cet Yvon Guyon ou Guillou de Roscof.
Cela enrichirait I'histoire locale.
Pour ce qui st d’Arnoult de Smet, je trouve dans Cf. Esquisse historique de la facture d’orgues à Bruxelles in Arts et Lettres: Le réseau des Arts et des Lettres en Belgique et dans la diaspora francophone, la note suivante :
Vers 1578, en raison des troubles politico-religieux, Aert De Smet émigra quelques temps en Bretagne où il oeuvra à Morlaix. Le calme revenu, il réintégra son atelier de Bruxelles, ainsi que ses fonctions d'organiste de l'église Saint-Jacques sur Coudenberg. Il succéda bientôt à François Van der Elst comme facteur d'orgues de la Cour. Il vivait encore en 1609 quand il adressa au Gouvernement une supplique dans laquelle il se déclara paralysé suite à une intoxication par les vapeurs dégagées lors de la fusion de l'étain destiné à la confection des tuyaux d'orgue.
Dernière mises à jour de la page : Jeudi 6 décembre 2012
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